“Cette année, la campagne s’est jouée sur Internet”. Effet de bord des “buzz” et autres “clashs” politiques 2.0, la formule est désormais une tarte à la crème des élections. De la présidentielle à la nomination d’un chef de clan, chaque rendez-vous du genre est censé marquer l’avènement d’une nouvelle approche politicienne du Net, forcément plus fine et plus adéquate – sans que les faits suivent vraiment le discours.
Le marronnier a explosé après 2008, et la campagne très web-friendly de Barack Obama, dont commentateurs et politiques de tout pays — la France en tête — se seraient inspirés avec plus ou moins de succès. Quatre ans plus tard, le bruit se fait moins entendre. Pourtant, la campagne américaine s’est jouée plus que jamais sur Internet. Ou plus exactement en son cœur. C’est moins visible mais autrement plus impressionnant. Et efficace.
The Atlantic explique ainsi dans une longue enquête comment l’infrastructure du Net a été mieux considérée et exploitée par l’équipe de campagne d’Obama en 2012.
Contrairement à l’épisode précédent, celle-ci est allée chercher des techniciens de réseau. Une quarantaine d’ingénieurs, de “nerds”, comme ironise le magazine américain, qui ont “bâti la technologie dont ils avaient besoin pour faire réélire le Président”. Des mecs “de Twitter, Google, Facebook, Craigslist, Quora” détaille entre autres The Atlantic, dont les portraits viennent renforcer l’imaginaire geek : grosses lunettes, barbe fournie et belle bedaine.
Autoportrait d'Harper Reed, style Obama par Obey (CC by nc nd)
Il suffit de jeter un œil au chef de cette e-brochette pour comprendre : Harper Reed, codeur binoclard à moustache rousse et ancien directeur technique de Threadless, un site de vente de tee-shirts et goodies geeks – les amateurs reconnaîtront.
“Il soutient l’open source. Aime le Japon. Dit ‘fuck’ sans arrêt. Va dans des bars de hipsters qui servent de la nourriture végétarienne mexicaine, où le quart des employés et des clients ont des moustaches. [...] Il est ce à quoi un roi des nerds pourrait ressembler”, décrit The Atlantic. Et Reed de conclure sur son site personnel qu’il est :
Probablement l’un des mecs les plus cools de la Terre
Bref, drôle d’attelage au sein du bestiaire politique. Pour un résultat pourtant édifiant : la mise en place d’un panel d’outils informatiques dont le clou du spectacle, “Narwhal” (“Narval” en français), permettait de brasser en temps réel toutes les informations disponibles sur la campagne, les votants et les bénévoles. Une plate-forme d’organisation et de communication gigantesque, mise à disposition de l’équipe d’Obama. Face à cette baleine unicorne, le camp républicain avait choisi de déployer “Orca” (“Orque” en français), car, explique The Atlantic qui cite les soutiens de Mitt Romney :
L’orque est le seul prédateur connu du narval.
Sauf que cette fois-ci, Willy n’a pas pu être sauvé : l’outil de Mitt Romney a crashé aux premières heures du jour J. Et ne faisait de toute façon pas le poids face à l’envergure de celui d’Obama.
L’équipe du Président américain a appris de ses erreurs, poursuit le magazine américain. Quatre ans auparavant, sa plate-forme s’effondrait à la manière de celle de Romney en 2012. “L’échec de 2008, entre autres besoins, a poussé la version 2012 de l’équipe d’Obama à internaliser des techniciens”, poursuit The Atlantic.
Rien n’a été laissé au hasard. Des simulations ont même été lancées pour parer au pire des scénarios susceptibles de se produire le D-Day. Plusieurs sessions intensives pendant lesquelles les nerds d’Obama tentaient d’éviter la paralysie de leurs outils de campagne en ligne, en trouvant des remèdes à une succession de pannes sortie de nulle part ailleurs que leur esprit génial.
Ils “détruisaient tout ce qu’ils avaient construit”, comme le raconte Harper Reed au magazine américain. A l’instar d’astronautes surentraînés, ils avaient une checklist pour chaque incident, le tout compilé dans un “runbook”. Ce petit jeu leur a par exemple permis de ne connaître aucun temps mort au passage de l’ouragan Sandy, fin octobre, qui a noyé bon nombre de serveurs situés sur la côte Est des États-Unis.
Les nerds d'Obama avec le boss de Google, Eric Schmidt, le jour de l'élection. YOLO ! (CC by nc nd)
Au final, aucun cyclone ou aucune attaque extra-terrestre n’est venu perturber le cours de l’élection. Les mecs ont même eu le temps de “concocter un petit badge pour fêter ça” raconte The Atlantic. Badge reprenant la dernière expression branchée “YOLO”, “You Only Live Once” (“On n’a qu’une vie” en français) en version Obama. De quoi renforcer l’image déjà so cool du Président américain sur Internet.
Mais la plupart du temps, les techos d’Obama n’ont fait que peu d’incursions sur le terrain. IRL ou sur Internet. D’autres équipes s’occupaient à plein temps de ces champs. Il a fallu travailler avec chacune et ça n’a pas toujours été simple. Loin de là.
Les nerds ont même été à deux doigts de se prendre la porte. Équipes de terrain, politiciens et techniciens ne parvenaient pas à s’entendre, en particulier dans l’étape de réalisation des outils de campagne. Une étape pourtant cruciale. “Alors que l’équipe technique luttait pour traduire en un logiciel utilisable ce que voulaient les gens, la confiance dans l’équipe technique – déjà chancelante – continuait de s’éroder”. Et pourtant, “la campagne a produit exactement ce qu’on attendait d’elle”, conclut le journaliste de The Atlantic :
Une hybridation des désirs de chacun dans l’équipe d’Obama. Ils ont levé des centaines de millions de dollars en ligne, réalisé des progrès sans précédent dans le ciblage des électeurs, et ont tout construit jusqu’à l’infrastructure technique la plus stable de l’histoire des campagnes présidentielles.
Un ingénieur informaticien dans les bras du Président des États-Unis (cc by nc nd)
Pour The Atlantic, le cru 2012 de la présidentielle américaine s’est donc bel et bien joué sur Internet. En 2008, commente le magazine, on pataugeait encore dans le “low tech”. “La technique d’une campagne était dominée par des gens qui se souciaient de l’aspect politique de la chose, et non de la technologie de la chose”.
Bien sûr il y avait Facebook, ou Twitter. Mais ils ne représentaient pas grand chose à l’époque. “Ce n’était pas le cœur ou même une annexe de notre stratégie”, confie Teddy Goff, “digital director” des campagnes d’Obama, à The Atlantic.
C’est une nouvelle étape dans l’intégration du Net dans la politique. Qui permet aussi de comprendre, au moins en partie, l’habile appropriation des codes du web par le Président réélu. D’une réinterprétation de mèmes aux sorties sur Twitter ou Instagram, l’équipe de Barack Obama compose avec Internet. L’intègre avec souplesse à sa communication bien huilée, au lieu de le plier aux codes traditionnels du discours politique.
À cent mille lieues de l’expérience made in France. Malgré les sempiternelles promesses d’e-révolution, les campagnes des candidats à la présidentielle n’ont pas brillé par leur fulgurance sur Internet. De l’aveu même de certains, Internet n’était alors qu’un canal de com’ supplémentaire, aux côtés de la télévision, de la presse écrite ou radio.
Il y a bien eu quelques trouvailles, mais elles restent bien maigres face au tableau général : une équipe web recrutée à 100 jours de l’échéance côté Hollande, un panzer en partie externalisé pour Sarkozy. Quelques polémiques aussi, sans oublier l’abandon, sur le fond, des thématiques numériques par les candidats. En France, l’avènement des ingénieurs informaticiens en politique n’est pas pour demain.
Richard Stallman (aka RMS) - Photo CC Andrew Becraft
Depuis le début des guerres de l’information, les gens soucieux de liberté et de technologie ont dû naviguer entre deux écueils idéologiques : le déterminisme geek et le fatalisme geek. Deux écueils aussi dangereux l’un que l’autre.
“Le déterminisme geek consiste à mépriser toute mesure politique dangereuse et bête, toute tentative de régulation abrupte, sous prétexte qu’elle est technologiquement irréalisable. Les geeks qui s’inquiètent du respect de la vie privée méprisent les lois sur l’écoute électronique, les normes facilitant l’écoute légale, et la surveillance des réseaux sous prétexte qu’eux, ils peuvent échapper à cette surveillance.”
“Par exemple, en Europe ou aux États-Unis, la police exige que les exploitants de réseaux insèrent des “portes dérobées” en cas d’enquêtes criminelles. Les geeks en rigolent, arguant que c’est complètement inutile pour les petits malins qui ont recours à la cryptographie pour leurs échanges de mail ou leur navigation sur le web. Mais, s’il est vrai que les geeks peuvent contourner ce type de mesures – et toute autre initiative néfaste de censure, de blocage des outils, etc. -, cela ne suffit pas à nous protéger nous, sans parler du reste du monde.”
“Peu importe que vos échanges mails soient sécurisés si 95 % des gens avec lesquels vous correspondez utilisent un service mail qui comporte une porte dérobée pour l’interception légale, et si aucun des gens avec lesquels vous correspondez ne sait utiliser la cryptographie ; dans ces cas-là, vos mails pourront être lus comme les autres.”
“Au-delà de ça, les choses illégales n’attirent pas l’investissement. En Angleterre, où il est légal de déverrouiller son téléphone portable, il y a partout des magasins où on peut faire déverrouiller son combiné. Quand c’était illégal aux États-Unis (aujourd’hui c’est quasi légal), seuls les gens capables de suivre des instructions compliqués sur Internet pouvaient le faire. Sans outils faciles à manier, les bénéfices de la technologie ne reviennent qu’à ceux qui la maîtrisent. Si vous voulez un monde où seule une élite rafle tous les bénéfices de la technologie, vous êtes un technocrate, pas un geek.”
Bill Gates - Photo CC Andrew Becraft
“Le fatalisme geek est l’équivalent cynique du déterminisme geek. Il consiste à considérer que la manière geek de faire les choses, – le fameux rough consensus and running code – et la préservation d’une pureté idéologique sont incompatibles avec les vieilles notions de délibération, de constitution et de politique. Car celles-ci sont de manière inhérente corrompues et corruptrices.”
“Il est vrai que la politique a une logique interne, et que ceux qui y participent ont tendance à adopter l’idée que la politique, c’est l’art du possible, et pas le lieu des idéaux. Mais il y a une vérité concernant la politique et la loi : même si vous n’y accordez pas d’intérêt, ça ne veut pas dire qu’elles ne s’intéressent pas à vous.”
“On peut construire des systèmes aussi intelligents et décentralisés que BitTorrent, des systèmes qui ont l’air de n’avoir aucune entité légale qui puisse être poursuivie, arrêtée ou encadrée légalement. Mais si vos inventions ébranlent suffisamment d’institutions ou de lobbies, la loi sera à leur trousse. Elle cherchera arbitrairement des coupables. Et là, la technologie ne pourra pas les sauver. La seule défense contre une attaque légale, c’est la loi. S’il n’existe pas de corps constitué à poursuivre, cela signifie qu’il n’y aura pas non plus de corps pour constituer une défense devant un tribunal.”
“Si les gens qui comprennent la technologie ne prennent pas position pour défendre les usages positifs de la technologie, si nous n’agissons pas à l’intérieur du champ traditionnel du pouvoir et de la politique, si nous ne prenons pas la parole au nom des droits de nos amis et de nos voisins moins qualifiés techniquement, nous aussi nous serons perdus. La technologie nous permet de nous organiser et de travailler différemment, elle nous permet aussi de construire de nouveaux genres d’institutions et de groupes, mais ils seront toujours insérés dans le monde, pas au-dessus de lui.”
Aujourd’hui est un jour très spécial : c’est le premier “Vendredi c’est Graphism” de l’année 2012 et que, par conséquent nous sommes à la 3e saison. Cerise sur la soucoupe, la troisième version d’Owni a été mise en ligne mercredi et je suis d’autant plus content de pouvoir vous parler design et graphisme sur un site qui sait ce que cela signifie !
Bref, c’est ravi que je démarre cette nouvelle saison !
Bon vendredi et… bon “Graphism” !
On commence la semaine avec cette série d’images qui m’a tapé dans l’œil hier. Il s’agit d’un travail critique de Viktor Hertz, graphiste, qui pose la question du logo d’Apple et du slogan “Think Different”. Il a ainsi détourné le célébrissime logo d’Apple que l’on connait tous et il l’a retourné, trituré, hachuré, déformé, déplacé… En précisant ses intentions par ce texte :
Cher Apple,
Ceci n’est pas une atteinte à votre entreprise ni logo. Ceci est mon hommage à Apple et à toute la créativité qui entoure votre entreprise et vos produits. Si vous voulez que je retire ces images, s’il vous plaît contactez-moi et je le ferai. J’ai beaucoup d’autres idées. J’ai fait ces logos en moins de 48 heures, donnez-moi une semaine et je vous en ferai une centaine. Je pense différemment.
Là où, je pense que Viktor se trompe, c’est qu’Apple vise la qualité et pas la quantité. À voir s’il se fera remarquer par la firme à la pomme… En attendant, voici son travail graphique :
La chaîne de télévision latino-américaine “AXN” a réalisé une vidéo typographique pour la promotion d’une de leur série intitulée Criminal Minds, série dans laquelle les principaux personnages sont une équipe de profilers du FBI qui analysent les esprits des criminels pour déduire leurs prochaines actions. L’équipe de créatifs raconte que l’idée de cette vidéo était de filmer le corps de l’un des ces criminels et d’y tracer ses pensées, sa psychologie, etc.
Le résultat est à mi-chemin entre le tatouage, la peinture, le numérique et le sensible.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
On continue notre revue de la semaine avec la suite du “Projet Milo”,un projet de street-art dans les rues de Paris. Ce projet met en scène la ville, la rue et crée des situation comme ces personnages qui semblent défier les lois de la gravité, comme ces flèches dans les murs, comme ces interrupteurs sortis de nulle part. À la frontière du concret et de l’onirique, ce projet nous interroge sur le réenchantement du quotidien et de ses règles : “Pourquoi ne pourrais- je pas marcher sur le plafond ?”… la question est posée, la réponse, la voici :
La vidéo de 2010 :
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Les photos de 2012 :
Cette semaine, j’ai également découvert une toute petite vidéo qui m’a bien fait rire et dédicacée à toutes ces personnes qui klaxonnent comme des fous sur la route sur la route. Réalisée par Nick Khoo, c’est simple, graphique et il s’est fait plaisir ;-) Côté technique, Nick n’a utilisé uniquement que l’outil “Formes” du logiciel After Effects, c’est tout. À partir de là, il a utilisé le script Duik (un script vous permettant d’animer un personnage dans After Effects).
Cliquer ici pour voir la vidéo.
L’éternel débat entre “Nerd” et “Geek” fait toujours rage et souvent, on tend à confondre les deux mots. Pourtant, il y a tellement de différences entre les deux, le geek n’a pas le même téléphone que le nerd, il ne va pas non plus voir les mêmes films au cinéma, il ne lit pas les mêmes livres… Vous l’aurez compris, nous sommes dans la caricature et cette infographie reflète parfaitement ce côté caricatural tout en essayant de résumer les arguments qui différencient bien nos deux amis, monsieur geek et monsieur nerd.
Le WTF de cette semaine est un doux mélange entre gothique & nature… “grrraaaou” ! Réunis sur le site “Goths up threes”, ce Tumblr répertorie tous les clichés de ces amis de la nature et immortalise leur retour à la terre. Ça se passe de commentaires, par contre ça se regarde avec délectation ! Un grand moment de WTF et de poésie !
“Vendredi c’est Graphism” est déjà terminé, mais rassurez-vous, vous pouvez toujours aller voir les dessins sur le site d’Anne Martelote, en faire vous-même avec cette application iPad encore vous défouler avec ce jeu vidéo en noir et blanc intitulé Parallax.
Bon week-end et à la semaine prochaine pour de nouvelles aventures ;-)
Oh ! ET meilleurs vœux à tous ! Et si jamais vous voulez de mes nouvelles …
]]>Une décennie après, la sécurité n’est plus qu’un thème parmi d’autres : désormais, c’est notre société entière qui se hacke, comme une réponse concrète à la crise morale, économique et politique qui ronge le système actuel. Une évolution qui résume à elle seule le changement de dimension des hackers, passés de la cave hermétique à la lumière de la place del Sol madrilène. Ou peut-être est-ce tout simplement l’époque qui leur est favorable : il est fini, le temps de l’avant-garde ?
Le « Woodstock des hackers » a donc commencé voilà plus de dix ans [en] à Altlandsberg, à côté d’un lac. Il s’inspire de HIP, Hacking in Progress [nl], un festival du même type qui a eu lieu deux étés plus tôt, à côté d’Amsterdam, en un peu plus organisé.
« Nerds, hackers and phreaks from around the world », ils sont environ 1.500 à réfléchir ensemble pendant trois jours sur des questions très techniques : failles de sécurité, cryptographie, re-engineering et… crochetage de serrure, y compris sous l’eau, pour le pur plaisir de la mécanique neuronale. Le centre névralgique : une tente géante où s’alignaient les ordinateurs, connectés à un réseau sans fil ; autour, selon sa marotte, chacun pouvait s’installer dans un des villages thématiques [en]. L’un d’eux est tout de même dédié à « l’art et la beauté » [en], en clair l’utilisation des technologies dans un cadre créatif.
La légende [en] raconte que ce petit monde -est-il utile de préciser son sexe ?- avait pour mission de réparer un vaisseau, Cœur-en-Or, dont l’ordinateur central a capoté. L’engin trônait au milieu du champ, rutilant comme C3PO. Le récit en sera repris les éditions suivantes.
Si l’activité cérébrale est intense, l’ambiance est au grand camp de vacances plutôt qu’à la prépa ingénieur. Dans la leisure lounge, des DJ jouent de la musique, la bière est aussi abondante que le débit et il se peut que des space cakes voire des space waffles circulent. La violence est bannie : c’est ainsi qu’en guise de punition, un jeune participant qui a essayé de s’en prendre au réseau s’est retrouvé à nettoyer les toilettes.
Cet aspect nerd potache ne doit pas faire oublier une caractéristique propre aux hackers allemands à l’origine de l’événement, que résumait d’une phrase Wired [pdf, en] : « Le mouvement hacker en Allemagne est tellement sur le devant de la scène qu’il s’est quasiment imposé comme une branche du gouvernement. » Interrogé par Computer World [pdf], le porte-parole du CCC Andy Muller-Maguhn « note que contrairement aux États-Unis, qui impose des restrictions à l’exportation sur le cryptage, les hommes politiques allemands ont écouté les conseils de la communauté hacker et ont donc choisi de ne pas imposer des contrôles similaires. »
Les gens ont toujours eu une réflexion critique sur le fascisme, c’est pourquoi ils veulent avoir la main sur la technologie et non être soumis à elle.
Pour technique qu’elle soit, avancent ses partisans, la cryptographie est surtout une façon de défendre la liberté de l’information. Computer world [pdf, en] rapporte ainsi les explications de Dave Boyce, qui travaille pour un FAI à Amsterdam. Il « a déclaré que le but final du Camp était de créer un réseau d’activistes technique et humain pour défendre de telles politiques. »
Il est important que la crypto soit libre de tout contrôle gouvernemental afin que nous puissions échanger l’information librement parce qu’en fin de compte, notre liberté commence avec l’échange d’information. Ce que nous faisons, c’est créer un cadre pour la liberté de l’information.
Cette spécialisation sur les questions de sécurité fait aussi déjà des hackers, par l’odeur des compétences alléchées, une cible de choix des entreprises et des gouvernements. David Del Torto, directeur des technologies pour les services de sécurité chez Deloitte & Touche à San Francisco organise ainsi des ateliers intitulés « Prends ce boulot et pingue-le » ou « hacker les échelons de l’entreprise pour le fun et le profit ». Mais attention, comme le journaliste est prié de se tenir à carreau, le chaland venu pour les affaires en sera pour ses frais, au sens propre du terme : les « visiteurs business », c’est-à-dire toute personne « riche ou travaillant pour une entreprise ou un gouvernement qui veut que vous soyez présent au Camp car il y a beaucoup à apprendre ou parce que vous avez un certain intérêt commercial », doivent payer un ticket d’entrée de 1.500 marks, soit environ 770 euros.
Mais certains de déplorer cette mono-maniaquerie, comme Stephanie, une jeune Amsterdamoise [pdf, en] : « C’est sympa de camper, mais à HIP, il y avait davantage de gens intéressants et divers. »
L’édition suivante [en], qui est passée à quatre jours, semble avoir entendu son appel. Si les intitulés des conférences [en] sont abscons pour le profane (« why PKI and digital signatures suck », « Selinux – the NSAs secure Linux », « Congestion control in IP networks »), le politique plane au-dessus du Camp, comme les drones miniatures bricolés par des participants. Il suffit de lire l’introduction au programme des conférences :
Le Camp vise à promouvoir les échanges entre les idées et les concepts techniques, sociaux et politiques afin de trouver de nouvelles manières de rendre ce monde un petit peu plus amical pour les êtres intelligents.
Dans la vidéo de présentation [en], un des organisateurs explique que si le CCC « n’est pas un événement commercial mainstream, c’est pour les hackers, et il existe un éventail large de hackers. Ce n’est pas que le stéréotype du gars derrière son ordinateur, il s’agit davantage d’une approche générale sur la façon de voir la vie et d’appréhender les choses. [...] C’est un état d’esprit. »
Longue barbe à la Stallman, casquette, jupe et sweat très baba cool, John Gilmore, un des fondateurs de l’EFF, hacker historique et grande figure du mouvement cypherpunk, développe son point de vue : « L’affaire John Gilmore vs John Ashcroft a commencé car je n’aimais pas la politique américaine qui consistait à exiger des gens qu’ils montrent leur carte d’identité avant de pourvoir prendre l’avion. J’ai pensé que c’était inconstitutionnel. Ce n’est pas une bonne chose pour une société libre et ouverte. C’est bon pour un État policier. » Et de raconter devant une assemblée acquise à sa cause une anecdote : en voyage de San Francisco à Londres, il arborait un badge « Suspected terrorist ». Le capitaine lui demande de le retirer, il refuse, arguant que c’est « une déclaration politique », l’invitation se transforme en ordre car « il met ainsi en danger la sécurité de l’avion et qu’il viole la loi fédérale ».
Et entre deux discusions socio-technico-politiques, les campeurs qui ont envahi les 60.000 m2 s’amusent, parce que ce sont au fond, comme l’explique un organisateurs, des enfants : LEGO, jeu de go géant, castagne amicale, baignade…
Cinq jours de réjouissances et un déménagement à Finowfurt, sur l’aéroport jouxtant le musée de l’aviation [de], installés dans une ancienne base soviétique, au milieu des hangars peuplés d’avions : « hackers, artistes et formes de vie associées » s’ébrouent lors de la dernière édition [en] sur leur nouveau terrain de jeu de 100.000 m2. Entendre par « formes de vie associées » les makers, fablabs, et autres adeptes du DIY, autant de gens qui font la révolution eux-mêmes.
Signe des temps, le communiqué de presse [en] présentant le programme des 76 conférences attaque par l’aspect politique : « De sujet plus politiques comme la surveillance croissante de l’individu, en passant par les nanotechnologies, jusqu’aux attaques sur les réseau GSM, et autres sujets relatifs à la sécurité, il y a toujours quelque chose d’excitant. » Les animations [en] sont rangées selon six catégories : général, hacking, société, science, communauté et culture. On y emmènerait presque sa mère…
Un atelier s’intitule carrément « Global Democracy ». Normal, quand le but de la réunion est d’avoir des discussions sur des « idées technico-créatives pour le monde d’aujourd’hui et de demain. » Et en parlant de demain, une crèche accueille les bébés-hackers.
Autre signe, le discours envers la presse [en] est maintenant plus enrobé : « la presse est la bienvenue – l’ouverture envers le public a toujours été et est une des valeurs-clés du CCC. Toutefois, nous vous demandons de faire attention à certaines règles sur le respect de la vie privée de nos invités », c’est quand même plus sympa que d’attaquer directement sur le respect de la vie privée, comme en 2003 [en].
La mouture 2011 [en] reprend, en l’amplifiant, la ligne de la précédente édition, invitant encore « les hackers et formes associées » aux « échanges libres d’idées technique, sociale et politiques » (voir la longue liste des animations [en] programmées).
Tout cela excite au plus haut point la petite communauté française qu’on retrouve un peu partout notamment dans la FrenchEmbassy, le village de la Quadrature et le village gaulois. Petit sondage express sur ce qui leur plaît le plus, à l’instar de Marc, du Tetalab, qui se félicite de cette « approche de plus en plus tournée sur les makers et qui s’ouvrent sur les citoyens » :
Alex (Tetalab) : « le badge r0ket (le badge du CCC 2011, mode de fabrication ici, [en], ndlr) ; la conférence de DYNDY sur Bitcoin et les nouveaux systèmes monétaires, je trouve ça dur a expliquer à des gens, eux arrivent à très bien formuler toutes ces idées ; celle sur le grassroot Internet [en] avec Rop Gonggrijp, un des fondateurs de XS4ALL4 ; et celle intitulée « Journalism needs hackers to survive » [en]. Ce n’est pas OWNI qui le contredira :)
Hop (Tetalab) : « l’engagement technologique et politique ; le réseau alternatif de satellites ». La thématique de l’espace est à l’honneur cette année, avec le Hacker Space Program qui envisage, outre le « banal » lancement d’un réseau satellite, rien moins que d’envoyer un hacker sur la Lune en 2034, histoire de se substituer aux Etats défaillants sur le terrain de l’exploration spatiale.
S (Tetalab) : « Se retrouver avec d’autre hackerspaceux français et européens autour d’un bon verre de Club-Mate (un thé gazeux sans alcool, ndlr) ; tout ce qui concerne la radio (GSM, Tetra, RFID, WiMax), la présence (que j’espère massive) de quadricoptère DIY et de RepRaps. »
Sylvain (LOG) : « Retrouver les hackerspaceux parisiens, toulousains, niçois, suisses et les Nordistes dans une ambiance bon enfant ; participer à des workshops qui peuvent s’étaler sur quelques jours, comme le montage d’une imprimante 3D, d’un microdrone, ou s’improviser en fonction des demandes ; discuter de l’avancée de projets luttant pour garder un Internet libre (Tor, La Quadrature, Telecomix), et des projets de déploiement d’infrastructure décentralisée, résiliente, et sous contrôle citoyen (réseaux WiFi mesh, réseaux sociaux décentralisés, “Pirate Box”, etc) ; et en plus on va avoir le droit à Dan Kaminsky dont les présentations mélangent adroitement l’aspect informatif et la grosse comédie qui tâche :) »
Présent ces cinq jours, OWNI ne boudera pas son plaisir de néophyte et tentera de jongler au mieux entre les tentes pour vous rapporter la substantifique moelle de l’événement, le tout sans faire tomber son verre de bière.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Retrouvez notre dossier sur le Chaos Communication Camp 2011 :
Crédits photos Flickr CC cosmo flash,
cocoate.com,
markhoekstra.